Que reste-t-il d'un quartier ouvrier lorsque les portes des usines se sont refermées ?
A travers un essai photographique, avec ma chambre grand format comme du temps des premières cartes postales, j'ai recherché les traces d'une époque révolue. Dans le quartier de la Garenne, aux alentours de la Grande Briqueterie, ou route de Paris, la nostalgie flotte dans l'air tel un parfum. Elle retentit dans la mémoire des anciens encore présents dans le quartier. Certains y ont travaillé, d'autres, plus jeunes, ont vécu dans ce qui ressemble à des corons.
Les souvenirs sont encore vivaces de ces patrons-patriarches au pouvoir insolent, mais aussi de la solidarité ouvrière. des enfants entassés dans une seule pièce, de la maladie qui frappait les plus faibles, d'une guerre et d'une occupation condamnant à la combine, de l'absence d'eau courante et d'électricité... Restaient pourtant une foi dans la vie et l'espoir de jours meilleurs.
Aujourd'hui la lumière passe toujours à travers les hauts peupliers pour se faufiler entre les briques rouges et se refléter dans l'eau de la rivière. A l'ombre des palmiers de Traon Elorn, entre les maisons des maîtres et celles des ouvriers, on peut encore, même si les cheminées des usines ne fument plus, imaginer cette société d'un autre siècle, ses pleurs et ses joies, avant à notre tour de tourner la page d'un siècle vieillissant.
Texte de René Tanguy. Clichés extraits de l'exposition réalisée par le photographe René Tanguy en 1998