Introduction

Jehan II de Rohan, dessin de vitrail de l’église des cordeliers de Nantes, BNF, Gallica.

L'époque des frères franciscains

Le 12 août 1488, le vicomte Jean II de Rohan, sire de Léon, établit à ses frais, avec l’accord du pape et de l’évêque de Quimper, un couvent de franciscains observants (frères mineurs ou cordeliers) « dans la chapelle de Saint-Arnol située sur [son] fief dans la paroisse de Saint-Thomas, au diocèse de Cornouaille » et décide de faire « ériger, construire et édifier les bâtiments, église, réfectoire, cimetière béni, et autres constructions nécessaires et utiles à l'usage, séjour et logement des frères et des hommes de cette communauté » (P.-H. Morice, Mémoires…, t. III, col. 597). Une promesse de versement d’une petite rente annuelle, à prélever sur les terres locales du vicomte, suffit à apaiser les craintes du prieur de Saint-Thomas, inquiet de la concurrence que la création mendiante pourrait faire à son église, dépendance de l’abbaye de Daoulas. Telle est l’origine de la fondation franciscaine de Landerneau, implantée sur l’emplacement de l’ermitage présumé de Ternoc.

Une réforme de l’ordre de Saint-François, à la fin du xvie s., y amène les récollets qui occupent le couvent jusqu’à la Révolution. Les récollets, du latin recolligere (revenir à l’écoute de Dieu), représentent, comme les observants cent ans plus tôt, un rameau réformé de l’arbre franciscain. Les frères reviennent à une stricte observance de la règle de saint François d’Assise, en particulier par un souci de vivre dans une extrême pauvreté et par la place donnée à la prière. Le couvent abrite également un studium, un centre d’étude, et une bibliothèque. Une école, enseignant aux garçons, est attestée en 1498, elle relève du diocèse de Cornouaille.

L’importance de l’établissement, bâti dans le style néogothique dominant en ce temps – certains éléments décoratifs caractéristiques en ont été retrouvés lors des travaux de reconstruction récents – reste modeste en regard de ses homologues des grandes villes bretonnes (Nantes ou Rennes). Il n’abrite probablement pas plus de quinze à vingt frères ; la nef de l’église conventuelle mesure 31,18 m de long sur 8,44 m de large pour une hauteur de 12,96 m sous la clef du lambris. Il n’en attire pas moins, sous l’Ancien Régime, l’attention de la bonne société locale, si l’on en juge par l’érection de quatre chapelles latérales et la mention de quelques fondations pieuses qui contribuent à son embellissement : en 1725, un aveu de la seigneurie voisine du Roual (Dirinon) révèle notamment que,

« en l’église des révérends pères récollets de Landerneau, [le sire du Roual possède] un banc actuellement ruiné, étant du costé et au-dessous de la chaire, et droit d’armoiries dans la vitre au-dessus dudit banc, proche les balustres, relativement à la transaction passée par devant les notaires du Châtelet de Paris le deux octobre mil six cens quatre-vingt-seize, entre la dame comtesse d’Acigné, lors propriétaire de la terre et seigneurie du Roüalle, et le sieur de Chef de L’étang Le Dolle, fondé en procuration des révérends pères, gardien et autres religieux dudit couvent ».

La place du banc seigneurial à proximité des balustres du chœur des religieux et sous la chaire à prêcher (une des fonctions essentielles des frères mendiants), le décor armorié des vitraux soulignent l’importance que l’élite sociale continue d’accorder aux prières des frères.

 

En 1790, les congrégations sont supprimées, les frères récollets sont expulsés comme les religieux des autres congrégations. Le couvent est vendu par l’État et acheté par un négociant de la ville.

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Mademoiselle Le Moigne, directrice du pensionnat en 1904, avec sa mère. Arch des sœurs calvairiennes

La vie du pensionnat

Chaque année, au 1er octobre, dans la grande allée ombragée de peupliers à la parure automnale, des groupes de fillettes mélancoliques ou joyeuses, après les trois mois de vacances d’été en famille, rejoignent le vieux monastère. Au pensionnat, dans les salles d’études, tout se réorganise, entre les leçons et les temps de prière. Les larmes des plus jeunes coulent parfois pendant quelques jours, elles n’ont que 5 ans et demi, les plus âgées préparent le baccalauréat. Les temps studieux sont entrecoupés de nombreuses activités de loisirs, de discussions animées, de parties de cache-cache parfois dans des endroits mystérieux du couvent ou des jardins. Deux professeures de musique, enseignant le violon et le piano, sont présentes et assurent non seulement des cours hebdomadaires mais aussi de nombreux concerts, où Mozart, Chopin, Liszt, Haendel, Bach sont au programme et enchantent élèves et sœurs. Les jeunes élèves préparent aussi assidûment des pièces de théâtre, à sujets religieux ou profanes.

Le cinéma compte parmi les activités favorites des jeunes filles, parfois le projectionniste se rend au Calvaire, parfois les élèves sortent, précieux moments d’évasion dans une existence très occupée par l’étude :

« 19 février 1934 : les pensionnaires vont voir Ben Hur, avec Ramon Novarro, au cinéma du Patronage à l’occasion d’une séance organisée par les élèves des écoles libres. Deux à deux, sur un rang bien droit, car nous tenons à l’honneur de notre pensionnat, nous défilons sous les regards des Landernéens, accourus sur le pas de leur porte ou derrière les rideaux des fenêtres pour assister à cet événement sensationnel ‘’Le Calvaire dehors ! ‘’. Quelques disques, les actualités, puis ‘’le clou’’ de la représentation Ben Hur ». (L’Echo du Calvaire, 1934).

Si le charme des acteurs ne laisse pas les élèves indifférentes, les sujets sont choisis avant tout pour alimenter la réflexion spirituelle !

 

La Chandeleur

Temps fort après Noël, La fête de la Chandeleur se déroule le 2 février, c’est la commémoration de la présentation de Jésus au Temple et sa reconnaissance comme « Lumière d’Israël », les chandelles et cierges liturgiques qui serviront dans l’année sont bénis. C’est l’occasion, pour des élèves facétieuses de jouer quelques espiègleries aux sœurs :

« Les élèves, par mesure d’économie et surtout de prudence, n’avaient point de part à la distribution des cierges qui se fait encore en ce jour. Quelques enfants, précoces liturgistes, estimant qu’une chandeleur sans lumières était un non-sens, se munissaient de bouts de chandelles dérobées sous l’escalier où l’on serrait les chandeliers destinés à éclairer les dortoirs ; par je ne sais quelle ruse, elles se procuraient aussi une ou deux allumettes et quand, remontant du chœur, Mère Cœur de Marie, rentrait à la tribune portant dévotement et triomphalement son cierge, elle apercevait de ci de là une lueur tremblante qui s’éclipsait au plus vite devant le fulgurant éclat de son regard courroucé, car, gare aux pensums ! ».

L’Echo du Calvaire, 1934.

 

L’essayage des uniformes 

Avant la Toussaint, on troque l’uniforme d’été pour celui d’hiver, plus distingué. C’est un temps d’échange entre les fillettes et les sœurs, où l’on découvre que les religieuses n’ignorent rien des  derniers détails de la mode féminine !

« Les coquettes  – et quelle fillette ne l’est pas un peu ? – saluaient ce jour qui leur procurait le plaisir d’étrenner les chapeaux d’uniforme de la saison d’hiver. Dans le courant de la semaine avait eu lieu l’essayage ; à l’heure du goûter, les élèves montaient par groupes à l’infirmerie où sur les lits s’étalaient nos futurs couvre-chefs. Mère Cœur-de-Marie présidait à l’opération avec sa gravité accoutumée, c’était elle qui décidait si le chapeau convenait à notre tête, et la glace devant laquelle nous posions un instant avait beau rendre un verdict contraire à celui de l’essayeuse, il fallait se soumettre au jugement de celle-ci. Sur un papier collant, on inscrivait notre numéro et Mère Cœur-de-Jésus ne laissait à personne d’autre le soin de l’appliquer au fond du chapeau. Une idée qui ne m’était jamais venue me passe par l’esprit en écrivant ces lignes : on aurait dû collectionner les chapeaux d’uniformes portés par les élèves du Calvaire. Avec quelle gaieté non exempte d’émotion nous aurions contemplé sous vitrines feutres ou pailles légères enrubannées, fleuris de pâquerettes ou de jacinthes – oui, des jacinthes – ornés de longues plumes amazone ou nichant entre deux coques soyeuses une hirondelle ou quelque oiseau des îles. En 1892, le chapeau fut une toque de velours noir bordé du pelage gris de je ne sais quel individu de l’espèce animale. Devant cette fourrure sans caractère et sans nom, les connaisseuses eurent une moue de dédain ; mère Cœur-de-Marie s’en indigna : ‘’Comment mesdemoiselles, vous faites fi d’une toque de chinchilla ! Cela se porte, on peut aller partout avec une toque de chinchilla, même au bal !’’ (L’Echo du Calvaire, 1935).

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